L’architecture des sens avec Pascal Barbot, Martin Juneau, Patrice Demers: Omnivore World Tour, Montréal 2015

“Cuisiner, c’est être un Architecte des cinq sens, permettant d’entrer en relation avec notre environnement et avec nous-même. Les cuisiniers construisent et assemblent des éléments de façon éphémère.  Une fois les cinq sens sublimés, les produits culinaires nous habitent, de façon durable. Un bien-être intérieur s’installe et entre en résonance avec notre entourage.  Et de là, se forge des souvenirs culinaires impérissables…”

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Nems croustillants au caramel de yuzu, herbes fraîches et gingembre. Pascal Barbot.

“Le résultat de l’architecture des sens, c’est de la construction inversée, en quelque sorte!  Lorsque la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût sont sublimés, alors les souvenirs de la construction culinaire, se logent dans nos esprits.”

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Raviole de courge butternut, crabe des neiges, cari, gelée de lait et herbes fraîches. Pascal Bardot.

Voici mes réflexions tout au long de l’événement Omnivore World Tour, édition Montréal 2015.  Ces idées se sont rapidement cristallisées lors de l’Extra-souper où les chefs Pascal Barbot (Astrance, Paris), Martin Juneau (Pastaga) et Patrice Demers (Patrice Pâtissier) ont littéralement créent des constructions culinaires fabuleuses pour habiter nos souvenirs.

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Crédit photo: Omnivore Mickaël Bandassak

Pascal Barbot
L’Astrance (Paris, France)
Des plats “Cathédrales”

Cuisiner c’est construire!”  voilà une des premières déclarations de Pascal Barbot, le chef de l’Astrance, un minuscule espace parisien de 110 m², pour 24 convives, lors d’un atelier de l’Omnivore World Tour, Montréal.

Et pour la construire, il faut comprendre les gens et respecter leur travail.

Pascal Barbot brise les conventions du monde de la restauration. Aucun menu n’est disponible au restaurant étoilé Michelin, l’Astrance.  Même le menu annoncé par l’équipe d’Omnivore pour le Extra-souper du 21 août ne correspondait pas aux plats préparés; une simple évocation tout au plus.

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On enlève la carte, ça enlève du stress… surtout si les produits annoncés ne sont pas au rendez-vous. On est pas des magiciens, il faut des producteurs! 

Pour le respect des clients, cet architecte confectionne sur mesure une cuisine émerveillant les sens.  Les plats sont échafaudés selon plusieurs variables; les ingrédients disponibles, l’accord avec le vin. Tantôt un canard aux olives noires et café pour les clients qui prennent un vin rouge. Pour la table d’à côté, avec la bouteille de vin blanc,  le canard se décline avec des framboises et groseilles.  Les autres convives auront un plat de coquillages ou une pièce de bœuf, selon les arrivages.

“La cuisine ce n’est pas que du cinéma, il faut que ça croque, que ça goûte.”  Encore un exemple illustrant le souci de l’architecte des cinq sens de solliciter les sens, même l’ouïe!

Le chef de l’Astrance parle avec passion de la cuisine; il n’est pas question de fusion, mais de cohérence. Intégrer de façon naturelle les techniques étrangères est une de ces spécialités.

La fusion ou l’exotisme, ça n’a aucun sens en cuisine! Et la cuisine française est une éponge!” affirme ce volubile chef, Pascal Barbot.

Pascal Barbot discutant de Ganache au pain noir et Madère avec Anton Kovalkov du Fahreinheit (Moscou, Russie) lors de l’Omnivore Montréal.

Pascal Barbot a besoin de s’imprégner d’une culture et de rencontres pour bâtir à sa façon.  C’est pourquoi il est arrivé au Québec une semaine avant de trouver le bonheur de cuisiner aux côtés de Martin Juneau et Patrice Demers. “Je suis aux anges”, confiait-il à l’équipe d’Omnivore au retour d’une virée dans les Hautes-Laurentides, à Ferme-Neuve pour découvrir les Miels d’Anicet avec Cyril Gonzales et Alex Cruz de Société-Orignal.  Il a aussi ramené des pousses de sapin, des pétales de roses sauvages et des petites baies.  Le chef de l’Astrance adore travailler la matière première avec des concentrés de saveurs.

“Les condiments, c’est merveilleux car ça concentrent les saveurs, rehaussent les goûts.”

Pour l’Extra-souper, les 80 convives ont eus droit à des produits sélectionnés avec un soin méticuleux par ce chef-architecte qui se concentre sur l’alliage des saveurs.  “Il y du détail, de la finesse et une somme colossal de travail d’équipe pour la construction des œuvres architecturales de Pascal Barbot” m’a confié Stéphane Gadbois, un artisan en cuisine.

Au moment du service de la première entrée de la salade (juste les petites pousses frisées de laitue), de moules et bourgots, les convives déposent eux-même un jus au curcuma aux saveurs complexes de lait de coco, jus d’oignon, jus de céleri, gingembre, piments.

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“Je ne suis pas limité à mon terroir. L’ingrédient principal est local. Mais mes idées voyagent… ” explique  Pascal Barbot, qui aime marier sans limites les influences aussi bien asiatiques que méditerranéennes. L’intégration dans la cuisine est importante pour ce grand architecte des cinq sens, qui réinvente la cuisine moderne.

Pascal Barbot amplifie les saveurs du crabe des neiges avec de la pâte de crevette fermentée, un concassé de tomates de l’ail, des fines herbes, de la citronnelle et du gingembre.  Pascal Barbot affirme qu’il se fout que le plat soit d’Asie ou d’Amérique.  Ce plat illustre une Architecture internationale, résolument contemporaine.

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Pour l’effet visuel de surprise, une feuille de lait gélifié à l’Agar recouvre le crabe déposé avec justesse dans l’emporte-pièce.  Pour conserver le côté moelleux,  le crabe n’a pas été compacté dans l’emporte-pièce.  Une raviole de courge butternut, tranchée au millimètre près, saupoudrée de poudre de betterave sert d’élément éblouissant.  Des fines herbes fraîches et de la salicorne produisent une note de fraîcheur.  Voilà les plats cathédrales qui nous ont été servis par un cuisinier-architecte inoubliable.

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Pascal Barbot saupoudrant de la poudre de betterave sur les ravioles de courge. Crédit photo: Stéphane Gadbois

Martin Juneau
Pastaga
Contemporary Home Sweet Home

Martin Juneau a accueilli le chef de l’Astrance dans la cuisine du Pastaga pour la mise en place de l’Extra-souper du vendredi. “C’est un chef simple,  d’une trempe exceptionnelle, à la grande ouverture d’esprit.  Il tient à une exécution parfaite.” voilà une opinion unanime des gens qui ont côtoyé Pascal Barbot.

Martin Juneau nous a transportés dans le confort d’une maison culinaire d’un architecte contemporain.  Pour l’occasion, Martin Juneau a adopté des bébés concombres libanais de Monsieur Legault, dont la croissance a été arrêtée à deux pouces (5 cm).  La construction comportait des pickles marinés deux semaines auparavant, des melons de saison, provenant du Québec. Et pour le “Wow factor” de la ricotta de bufflonne saupoudré comme de la neige.  Simple et efficace.

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Un plat architectural mémorable est le contre-filet de bison de l’Outaouais, avec un tatin de navets dorés et des groseilles immatures.

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Avec cet accord parfait entre les saveurs, Martin Juneau montre qu’il est un réel architecte des sens.

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Patrice Demers
Patrice Pâtissier
Des desserts inspirés de l’architecture de Gaudi

Les desserts de Patrice, tout en couleur et aux saveurs renversantes, sont fabuleusement oniriques, à l’instar des œuvres de Gaudi. Patrice Demers a compris l’architecture des cinq sens, car plutôt que de faire une présentation tout en longueur, il cherche à unifier ses desserts.

“L’art de reconstruire la présentation des desserts… pour associer les goûts et créer une explosion de saveurs.   Exit l’étalement culinaire. Pourquoi se priver du goût d’un sorbet aux framboises avec un délicieux chou à la crème, alors que chaque élément se retrouve d’un bout à l’autre de l’assiette. ”

Voilà ce que j’écrivais au sujet de Patrice Demers, lors du Food Camp de Québec en 2014.  Plus que jamais Patrice démontre qu’il est un grand architecte des cinq sens, à la géométrie variable.

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En guise de pré-dessert, les convives ont goûtés à une divine Panna Cotta au yaourt de bufflonne, gelée de miel d’Anicet, cantaloup et fleur de sureau et un ajout audacieux de céleri.

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Patrice Demers a construit un dessert avec une glace aux camerises, crémeux au Mélilot (a.k.a Lotus à miel), bleuets sauvages et roses.

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Et de petites mignardises pour finir le tout avec des petites tartelettes au café et financier à l’érable.

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Ce soir-là, ces trois architectes des cinq sens et leurs brigades ont construit, dans une cuisine improvisée de la Société des Arts Technologiques,  des souvenirs durables.

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À l’ère des Smartphone, même les architectes des cinq sens ont immortalisés ces constructions éphémères!

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Dans ce lieu improbable, moderne et ultra-éclairé, avec des chaises de salle paroissiale autour de deux longues tables drapées de noir, de la grande salle de la Société Art technologique (SAT), les cinq sens des convives ont été éblouis par de grands bâtisseurs culinaires.

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Bravo à  l’équipe d’Omnivore pour avoir rassemblé ces créateurs architectes lors de l’édition 2015 de l’Omnivore World Tour, Montréal.  La Mission au nom de code: “Architecture des Cinq Sens” a été réussie par Pascal Barbot, Martin Juneau et Patrice Demers!

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« Dress Code: Élégance » Luc Dubanchet, Omnivore World Tour Montréal, 2015

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