Lors de l’édition du Foodcamp 2025, la cheffe montréalaise Monick Gilles a proposé une version revisitée d’une recette classique italienne, le Vitello Tonnato.
Lors d’un atelier intitulé « Saveurs du terroir italien », la cheffe a parlé des origines du Vitello Tonnato et de ses multiples évolutions à travers le temps. Cette relecture audacieuse et résolument contemporaine a été mon coup de coeur de la dernière édition du Foodcamp.
Peu de participants du FoodCamp connaissaient ce plat classique italien, à ma grande surprise. Pour ma part, c’est en Argentine que j’ai découvert ce plat incontournable des tables de Noël sous le nom de Vitel Toné.
Ainsi j’ai ressorti mes modestes notes pour vous partager cette recette. Servi froid ou à température ambiante, le vitello tonnato revisité par Monick Gilles s’impose comme une entrée idéale pour impressionner vos invités pendant le temps des Fêtes.
Élégant sans être ostentatoire, surprenant sans être déroutant, ce plat incarne parfaitement cette nouvelle gastronomie québécoise qui ose, tout en respectant ses influences.
Les ingrédients clés du Tonno Vitellatto façon Monick Gilles
Le quasi de veau, la partie tendre et maigre entre la cuisse et le dos, se trouve dans une bonne boucherie comme celle du marché Jean-Talon ou l’épicerie Morena à Québec.
Le thon à nageoire jaune est la pièce maîtresse de ce plat délicat.
Enfin la colatura di alici est une sauce similaire au garum. Ses origines remontent à la Rome antique, un condiment largement utilisé.
La recette du garum fut redécouverte par un groupe de moines du Moyen Âge, qui salaient des anchois dans des tonneaux en bois chaque année à la fin de l’été.
Le Vitello Tonnato, le plat emblématique du Piémont
La version du Vitello Tonnato connu aujourd’hui est à la base de fines tranches de veau nappées d’une sauce onctueuse au thon. Ce plat raffiné est servi en antipasto lors des grandes occasions.
Derrière ce plat se cache une histoire étonnante, marqué par des détours culturels, des évolutions techniques et même quelques malentendus linguistiques!
Les propos de la cheffe Gilles ont portés à la fois sur les origines du plat et la présentation de sa recette. Au départ il s’agissait d’un plat humble et modeste du Piémont au 16e siècle. Le veau était cuit dans un bouillon et simplement nappé de son jus de cuisson. Dans une logique de conservation rappelant le « tannage » le mot tone a été ajouté au Vitello, veau en italien.

Ce n’est qu’au 19e siècle, notamment grâce à Pellegrino Artusi et à la démocratisation du thon en conserve et les câpres s’imposent officiellement dans la sauce. Certains historiens avancent même qu’un glissement linguistique aurait transformé tone (tannerie) en tonno (thon), contribuant à la naissance de la recette actuelle.
Pendant des siècles, la cuisine occidentale a strictement séparé la viande et le poisson. Le vitello tonnato fait figure d’exception. L’anchois, petit poisson conservé au sel, a longtemps servi de trait d’union entre ces deux univers.
Utilisé pour relever les sauces à la viande, il a pavé la voie à l’introduction du thon dans la recette. Le thon s’est imposé, jusqu’à devenir l’un des marqueurs identitaires du plat.
La mayonnaise, quant à elle, apparaît beaucoup plus tard, surtout à partir des années 1970 et 1980, donnant naissance à la version crémeuse la plus répandue d’aujourd’hui.
La version de la cheffe Monick Gilles
La version proposée par Monick Gilles rompt volontairement avec certains codes de la cuisine italienne. Son idée est d’inverser les composantes du Vitello Tonnato. Ici, le thon n’accompagne plus le veau, il en devient le cœur. Enrobé d’une fine escalope de veau, le thon frais est mis en valeur par une sauce subtile à base de colatura di alici, rappelant à la fois la tradition romaine du garum et les saveurs fermentées chères à la cuisine haïtienne.
Le Tonno Vitellatto va traverser le temps sans jamais perdre de sa pertinence.
Vitello tonnato revisité façon Tonno Vitellatto

Ingrédients
- 30 mL Câpres
- 800 g quasi de veau
- 400 g Thon à nageoire jaune "yellowfin" qualité sashimi
- 60 mL Garum
- 1 citron idéalement un citron d’Amalfi
- Poivre noir fraîchement moulu
- 15 mL huile d'olive
Préparation
Sel de câpres
- Faire déshydrater les câpres pendant 8 heures dans un four chaud à la fonction "keep warm".
Préparation du veau
- Aplatir délicatement le quasi de veau à l’aide d’un marteau ou d’une casserole.
- Diviser en 4 escalopes de veau. Réserver
Préparation du thon
- Couper le thon en 4 rectangles d'égale grosseur (environ 3 cm x 10 cm).
- À l'aide d'un pinceau, badigeonner les morceaux de thon avec le garum.
- Saupoudrer de zeste de citron les 4 pièces de thon.
Assemblage
- Assaisonner le veau avec le sel de câpres.
- Entourer chaque morceaux de thon avec l’escalope de veau en veillant à bien les enrober. Utiliser un besoin un cure-dent pour retenir l'ensemble.
Sauce
- Mélanger le garum, l'huile d'olive de bonne qualité et le jus du citron.
Cuisson
- Faire chauffer l'huile d'olive dans une poêle.
- Faire revenir sur les quatre faces chaque pièce de thon.
Service
- Trancher finement et servir froid ou à température ambiante.
- Garnir de câpres séchées et d’un tour de moulin à poivre
Les informations nutritionnelles ne sont qu’à titre indicatif
De plus, exit la mayonnaise popularisée dans les années 1970. La cheffe revient à l’essence du plat tout en le projetant dans le présent. Au besoin, de délicates touches de mayonnaise peuvent être ajoutées en guise de décoration. Ainsi le Vitello Tonnato devient plutôt du thon enrobé de veau, d’où l’appellation Tonno Vitellatto!
À propos de Monick Gilles
Née à Montréal de parents haïtiens, Monick Gilles se définit avant tout comme italienne dans l’âme. Après des études universitaires, elle étudie à l’ITHQ en cuisine française. Elle a plongé dans l’univers de la gastronomie italienne auprès de figures incontournables comme Graziella Battista (Il Sole, Graziella) et Tony DeRose (feu Il Mulino).
Une cheffe italienne dans l’âme, montréalaise de cœur
Un séjour marquant en Sicile consolide son amour pour la cuisine du Sud de l’Italie. Elle devient ensuite cheffe au restaurant Scarpetta, où elle fait découvrir aux clients les saveurs typiques siciliennes. Depuis 2016, elle dirige son service de traiteur privé, intégrant une démarche d’achat local et ajoutant, chaque fois que possible, une touche sicilienne à ses menus.
Le Tonno Vitellatto est une démonstration brillante que la culture culinaire est bien vivante et évolutive. Cette version résonne particulièrement bien avec la scène gastronomique québécoise actuelle. Une approche qui reflète parfaitement la philosophie culinaire québécoise contemporaine, ouverte sur le monde, curieuse, mais solidement attachée à ses produits et à son identité.

